La vraie faille de l'Europe est sociale, pas économique

Publié le par Réale

La vraie faille de l'Europe est sociale, pas économique, par Jean-Claude Barbier - LeMonde.fr  

 

Extraits:

  • Le grand gouffre au-dessus duquel se déroule l'échange confus actuel est celui d'un débat jamais mené, à savoir celui de la possibilité de solidarité entre les peuples de l'Union européenne (pas entre les banquiers, les banques ou les élites intellectuelles et politiques, je parle bien des citoyennes et des citoyens européens). Quelles sont les conditions de ce débat démocratique ? Il ne s'agit pas d'une question économique, d'abord, mais d'une question politique et sociale. Pourquoi laissons-nous en effet aujourd'hui, nous, Français ou Britanniques, les Espagnols ou les Irlandais seuls pour se débrouiller avec les conséquences de la crise économique ? Alors que M. Trichet, à la tête de la Banque centrale européenne, considérait comme "humiliant" qu'on évoque le recours au FMI, comment se fait-il que ce même recours, en Lettonie, en Roumanie et en Hongrie, n'ait pas déclenché chez lui la moindre trace d'"humiliation" ? Quel Français se préoccupe-t-il de payer les retraites des Allemands ou des Lettons ? Pourquoi l'âge de départ à la retraite est-il une affaire nationale ? Pourquoi le revenu minimum universel en Europe est-il une chimère dangereuse (voir sur ce point La Longue Marche vers l'Europe sociale, Puf, 2008) ? Pourquoi la protection sociale des immigrants étrangers est-elle un sujet brûlant dans tous les pays membres de l'Union ?
  • Tous ces points convergent vers une question fondamentale, celle des "frontières de la solidarité". Jusqu'à présent, on n'a pas – faute de mieux – trouvé de façon d'organiser cette solidarité et ce consensus, toujours provisoires, à propos d'une justice sociale relative – autrement que dans le cadre national ou infranational. La question est au cœur du débat à propos de la Grèce – pour le coup un vrai débat trans-européen, même s'il est encore étroitement segmenté. Elle ne sera pas résolue rapidement, c'est le moins qu'on puisse dire, mais elle ne peut disparaître.
  • La façon dont les économistes et les journalistes discutent du cas de la Grèce, ainsi que nous tous, d'ailleurs, en tant que citoyens, est symptomatique des fondements politiques et moraux, et indistinctement culturels-politiques, de la question posée par les prêts à la Grèce. De façon dominante, le discours est en effet moral et punitif : "les Grecs" - comme s'ils représentaient une entité homogène – ont, dit-on, "triché", il faut les punir. Ils ont "vécu au-dessus de leurs moyens", ils ont "profité". D'autre part, les jugements moraux sont appliqués à l'Allemagne : l'Allemagne, prétend le sociologue Ulrich Beck dans les colonnes du Monde (10 avril), est repliée sur elle-même, elle devrait se mettre en tête l'"impératif cosmopolitique", que le sociologue défend depuis plusieurs années. Les pays européens devraient abandonner "le nationalisme réciproque". Ces jugements moraux restent vains s'ils ne posent pas la question des conditions de possibilité d'un dépassement solidaire à l'échelle européenne. Ce sont ces conditions qu'il faut imaginer, du moins si l'on prend au sérieux la question plutôt que de manier des concepts prophétiques creux, et ces conditions sont indistinctement politiques et culturelles.
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  • Certes, ces considérations sociologiques apparaîtront au lecteur comme de faible portée dans le travail de court terme : l'urgent, c'est l'extinction de l'incendie des marchés à quoi travaillent les responsables, avec l'expertise économique. Mais l'économie a aussi des fondements politiques et culturels, qui ne devraient pas rester ignorés des élites politiques et économiques qui nous gouvernent. Ces dernières ne peuvent espérer contourner la difficulté, qui ne va cesser de se poser de plus en plus crucialement, même après que "la Grèce" aura été temporairement "sauvée", notamment grâce au FMI. Plutôt que de continuer d'entonner un discours creux sur la"solidarité européenne" dont la Commission européenne et son président sont devenus des adeptes compétents, plutôt que de gaspiller l'argent des contribuables européens en"communication politique" à laquelle personne ne croit, ils devraient enfin prendre à bras le corps la question du rapprochement des cultures.

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L'article dans son intégralité ici 

Quelle Europe pour briser les marchés ?, par James K. Galbraith (Le Monde diplomatique)

Publié dans L'Europe et la crise

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